DES RELATIONS QUI NOUS RENDENT LIBRES
« Si quelqu’un vient derrière moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. »
Quelle radicalité ! Voilà qui a de quoi nous faire peur !
Jésus serait-il pareil à ces gourous qui exigent de leurs adeptes qu’ils coupent tout lien avec leur famille et leur environnement afin de mieux les garder sous leur emprise ?
Souvenons-nous que Jésus ne demande rien qu’il ne vive d’abord lui-même. Et, surtout, qu’il veut toujours pour nous le meilleur.
Regardons comment Jésus vit ses relations avec sa famille et ses amis. Il est loin de les rejeter. Au contraire. Sa mère va l’accompagner tout au long de sa mission itinérante, au milieu d’un groupe de femmes. Et nous voyons Jésus prendre plaisir à demeurer dans la famille de Pierre et chez ses amis Marthe, Marie et Lazare.
Si Jésus reste fidèle aux liens familiaux et amicaux, il prend pourtant une saine distance. Il ne veut se laisser enfermer dans aucune relation, même avec ses parents. Souvenez-vous de sa réplique alors que ses parents le cherchent, quand, à douze ans, il est resté au Temple lors d’un pèlerinage : « Pourquoi me cherchez-vous ? Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? »
Et sa vive réaction alors que sa famille cherche à se saisir de lui qui est en train de prêcher dans une maison : « Qui sont ma mère, mes frères et mes sœurs ? Ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique. »
Ainsi donc, loin de couper les liens, Jésus les élargit. Il refuse les liens exclusifs qui nous renferment sur nos petits cercles familiaux ou amicaux. L’amour de Jésus n’a pas de frontière.
Son attitude, son ouverture inconditionnelle à tous choque ses contemporains, comme elle continue à nous choquer. Cela est tellement contraire à la manière dont nous fonctionnons. Nos sociétés se construisent souvent par exclusion : il y a nous et les autres, ceux qui nous ressemblent et les autres qui nous font peur, les purs et les impurs…
Rien de tel pour Jésus. IL franchit toutes les frontières physiques, religieuses, psychologiques. Il est venu pour ceux qui sont loin, étrangers, rejetés, isolés. A chacun, il vient dire : « Toi aussi, tu es aimé de Dieu, tu fais partie de la grande famille des enfants de Dieu, tu as ta place. »
Et Jésus nous invite à le suivre sur ce chemin, à nous jouer, nous aussi, des frontières, à élargir l’espace de notre tente.
A Besançon, où j’ai vécu 9 ans, nous avions une grande table de salle à manger pouvant accueillir jusqu’à 20 personnes alors que nous n’étions que 4 frères. Elle nous rappelait que la fraternité est faite pour ceux qui n’y sont pas encore et nous avions du bonheur à accueillir des hôtes de dernière minute. Certains sont restés plusieurs mois…
A la suite de Jésus, l’apôtre Paul vient casser tous les codes quand il demande à son ami Philémon de reprendre Onésime non plus comme un esclave mais comme un frère bien-aimé. Nous ne mesurons pas assez ce que cette demande peut avoir de subversif dans la société de l’époque.
C’est dans ce même esprit que le pape François nous invitait à voir dans chaque personne migrante, un frère, une sœur, à accueillir et accompagner.
En ce début d’année scolaire, il est bon de nous réinterroger sur la qualité de liens, en famille, dans nos fraternités, au sein de notre communauté du dimanche… Qu’est-ce qui fonde nos liens ? Le Christ est-il au centre de nos relations ? Avons-nous du goût à ouvrir nos cercles familiaux ou amicaux à d’autres ? Je viens de vivre le festival franciscain Brother Sun en Alsace avec 150 jeunes pros. Certains, non baptisés, sont venus par curiosité, invités par un ami. Ils nous ont dit combien ils avaient été touchés par l’accueil inconditionnel : « Nous avons été accueillis tels que nous sommes ». Tant de gens sont attentes aujourd’hui de lieux fraternels. Nous qui sommes si heureux de nous retrouver aux Grottes de Saint Antoine, soyons attentifs à la qualité de l’accueil pour ceux qui viennent pour la première fois.
Frère Nicolas Morin
