UN PERE AVAIT DEUX FILS. Lc 15, 1-32
Luc est un bon « raconteur », il nous invite à entrer dans son « histoire ». Le fils cadet (le plus jeune) qui occupe le plus de place. Le fils aîné qui n’arrive qu’à la fin. Et puis le père au début et à la fin.
Il manque encore quelques personnages et non des moindres : les scribes et les pharisiens qui sont là au début et qui sont en colère parce que Jésus mange avec des gens mal famés, des pécheurs et des publicains… C’est à cause d’eux que Jésus parle.
Et il en manque encore, qui ? Moi, nous. Dans un récit il y a toujours celui qui écoute, et dans une Parabole, c’est lui l’auteur principal…Vous, moi, où est-ce que nous nous situons ? Quel est le personnage avec lequel nous nous identifions le plus ?
Un homme avait deux fils… Il était une fois… cela pourrait être autrefois mais cela pourrait être aujourd’hui… ou demain…
Le cadet, le plus jeune, il en a assez de vivre dans le cocon familial sous l’autorité de son Père et peut-être de son frère aîné. Le travail à la ferme familiale manque de souffle, c’est nul comme diraient les ados d’aujourd’hui. Les relations familiales n’ont pas l’air d’être enthousiasmantes…
Un beau jour, il décide de partir, de prendre le large ; il exige sa part d’héritage, il anticipe la mort de son père… Il veut vivre sa vie, sans s’embarrasser des relations familiales… Mais il glisse très vite dans la déchéance condamné à garder les porcs, ces animaux impurs et dans la misère il ne peut même pas manger les gousses que mangent les cochons…
Alors il commence à réfléchir, chez son père les ouvriers étaient mieux traités que lui aujourd’hui… Il va rentrer et se faire tout petit, s’écraser pour retrouver un peu de sécurité… Et le voilà parti la tête basse, tout penaud…
Mais son père, comme il le faisait souvent le soir, (il n’a envoyé aucun mail), le guette du haut de la colline… Et quand il l’aperçoit au loin, il oublie son honneur bafoué et il court au-delà de la décence en lui ouvrant largement ses bras. Viens mon fils, viens au creux de mon amour. Viens mon fils, oublions le passé et faisons la fête : « Tu étais mort et tu es revenu à la vie. Tuons le veau gras, celui qui est réservé pour les grandes fêtes familiales, mangeons et festoyons. »…
Le fils aînés qui était aux champs, en plein travail, entend la musique et les bruits de la fête. « Que se passe-t-il ? » « Ton frère est revenu… » « Comment, ce vaurien, cet ingrat, on fait la fête pour lui, alors que je me suis « crevé » à faire tourner le domaine ? »
Alors le père, oubliant encore une fois toute posture : « ne faut-il pas se réjouir, ton frère qui était perdu est revenu, ton frère qui était mort est vivant » !
Et nous, allons-nous entrer dans la fête, nous réjouir des pécheurs pardonnés, des pauvres accompagnés, des migrants accueillis, des prisonniers visités…ou allons-nous rester dans notre coin à juger du haut de notre vertu et de notre réussite sociale et morale ?
Allons-nous entrer dans la joie du fils perdu et revenu à la vie ? Allons-nous entrer dans la joie des relations retrouvées ? Allons-nous passer de la mort de notre propre perfection à la vie de l’amour accueilli et partagé ?
Demandons la grâce, la joie de pouvoir renaître au creux de l’amour paternel et maternel qui nous attend…
Frère José Kohler