VEUX -TU FAIRE DE TON CŒUR, DE TA VIE, LA DEMEURE DE DIEU ?
Le lendemain du décès de mon père, ma mère me demandait, angoissée : comment vais-je vivre sans ton père, après 50 ans de vie commune ?
Qui n’a pas traversé pareil questionnement, à un moment ou l’autre de son existence ? Comment vivre sans l’être aimé ? Que devient la relation ?
Les disciples aussi se posent la question, au lendemain de la mort de Jésus : comment allons-nous vivre sans lui ? Quel sens aura notre vie désormais ?
La veille de sa mort, Jésus savait bien le désarroi que son absence allait susciter parmi ses proches. C’est pourquoi, il essaie de les préparer, même s’ils ne comprendraient ses paroles véritablement qu’après sa mort et sa résurrection. C’est l’objet du chapitre 14 de l’évangile de Jean que nous lisons ces jours-ci.
La première phrase de Jésus est curieuse, étonnante :
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ;
mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure. »
Le Père et le Fils ne font qu’un. Aimer le Fils, c’est aimer le Père.
Et tous les deux, le Père et le Fils viennent demeurer en nous dans l’Esprit Saint.
Aux disciples angoissés, Jésus donne trois verbes, trois attitudes qui sont le socle, le fondement de toute vie chrétienne : aimer, garder la parole, demeurer.
Lorsque j’aime profondément une personne, je me mets à son écoute, désireux de la faire grandir dans l’amour et de la savoir heureuse. Peu à peu, non seulement sa parole mais son regard, son visage, tout son être imprègnent ma mémoire, mon intelligence, mon cœur. Je lui fais une place dans ma vie. Elle demeure en moi.
Ce qui est vrai de nos amours humaines l’est d’autant plus de Dieu, source de tout amour. Dieu m’aime au point de me faire une place en lui. Je demeure en lui comme lui demeure en moi. Dieu n’est pas extérieur à moi. Il est une part de moi-même, ou plus justement il en est le cœur.
Le Dieu Trinité, le Dieu amoureux, habite nos cœurs par son Esprit, l’Esprit du Père et du Fils. Nous sommes la demeure de Dieu, le Temple de son Esprit. Il n’est pas à chercher hors de nous-mêmes. Il est là, déjà présent, mais si discret que nous l’oublions souvent. Croire, c’est accepter d’être habité. La foi est humble hospitalité, accueil ébloui.
Alors, comment le trouver ? « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole », dit Jésus.
Aimer Jésus, c’est garder sa parole ; et garder sa parole, c’est le rendre vivant et présent dans nos vies. Cela revient plusieurs fois dans ce court passage. De quelle parole s’agit-il ? Pas une parole extérieure à nous-mêmes. C’est une parole qui depuis le commencement du monde nous engendre, nous fais exister, nous donne la vie. Cette parole, c’est Dieu lui-même qui nous dit : « Je veux que tu sois vivant, pleinement vivant, à mon image. Et tu ne seras vivant que si tu te risques à te laisser aimer pour aimer, si tu fais de ta vie un je t’aime ! »
Ce n’est pas un amour évanescent. Aimer à la manière de Jésus, c’est, comme lui, laver les pieds de nos frères et sœurs, se mettre en tenue de service.
Alors, notre amour en actes nous fera découvrir la présence de Jésus ressuscité dans le service du mendiant, du malade, du migrant, du prisonnier. « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous le faites », dit encore Jésus.
Frère Nicolas Morin
