« Veillez pour être prêts »
« Veillez » c’est le seul mot que cet Evangile de Matthieu ait à dire. Il ne dit pas jusqu’à quand. Il ne donne pas davantage d’éléments qui permettraient des calculs et des pronostics C’est l’inattendu. Car Celui qui vient est autre que Celui qu’on attendait : un enfant né sur la paille et non un roi, un crucifié et non un chef de guérilla. Non seulement Jésus vient à l’improviste, mais sa venue est insolite. Sommes- nous prêt à être des veilleurs qui savent attendre l’inattendu ?
Quand Matthieu rédige son Evangile, les Romains ont détruit le Temple de Jérusalem depuis 15 ans. Et les chrétiens s’interrogent : cette catastrophe signifiait-elle le jugement définitif de Dieu ? Le Fils de l’homme viendra-t-il juger l’univers, et quand ? D’où le long discours sur la fin arrangé par Matthieu (Ch. 24-25) Il s’appuie ici sur deux paraboles, celle du déluge et celle du voleur.
La parabole du déluge ne dénonce pas l’inconduite de ceux qui périrent ; il souligne plutôt leur imprévoyance. La parabole du voleur nocturne répète la même leçon. Dans les masures de l’antique Palestine, percer le mur fragile allait plus vite que s’attaquer à la porte. Un cambriolage est par nature imprévisible. Pour y parer, il faudrait ne jamais dormir ! Saint Paul dira dans sa lettre aux Thessaloniciens «Le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit » (I Thes. V2) Ces deux petites Paraboles nous sont données en ce début d’Avent pour que nous restions éveillés en attendant la venue du Seigneur.
Il est intéressant de remarquer que les disciples qui ont reçu ce message ne l’ont pas intériorisé. Ils dorment pendant l’agonie à Gethsémani ! Ils n’ont pas pu veiller une heure avec Jésus. Que le cœur du Maître a dû être blessé par les plus proches des ses disciples qui n’ont pas pu veiller pendant ces heures si intenses et dramatiques.
Les disciples n’ont pas compris que Jésus était un veilleur et un éveilleur. Et pourtant, par ses actes et ses paroles, Il voulait éveiller les êtres à une vie plus profonde, à la rencontre aimante des autres, surtout des plus petits et des plus meurtris. Que de fois n’avait-il pas guéri, nourri et réveillé les êtres les plus abîmés. Il faudra la venue de l’Esprit-Saint pour que les disciples se souviennent et comprennent combien ils avaient été enfantés par cet homme inoubliable. C’est alors qu’à leur tour, ils deviendront des veilleurs et des éveilleurs qui sortent de leur peur et de leur endormissement.
Oui, Dieu voudrait faire de nous des guetteurs et des éveilleurs dont le regard scrute au loin, des hommes de vigie qui savent garder le cap vers l’autre rive, quelles que soient les péripéties de la navigation. Mais pour cela, il faut préserver en soi, malgré les tempêtes qui secouent notre cœur, la capacité à être étonné, surpris, émerveillé, même dans les plus grands troubles.
Regardons les mystiques, les poètes et les moines. Ils nous rappellent que cette veille n’est pas de tout repos. Que la contemplation est un combat, que la vie intérieure est une insurrection, qu’il ne s’agit pas de fuir, mais de s’enfuir et de veiller. L’éloignement du monde qu’ils prônent est un éloignement de proximité. Car ces hommes et ces femmes de désir ont su tendre l’oreille, malgré les bruits du monde, pour écouter cette petite voie intérieure, tendre, imperceptible, mais ô combien réelle.
Un jour, ils se sont réveillés « comme d’un profond sommeil » dira Saint Basile. Ils se sont remis en route à la recherche de l’être aimé avec un désir impatient de l’atteindre et de l’éprouver. Ils attestent de cette stupéfaction de se sentir habités par Quelqu’un qui vient d’ailleurs et qui vous mène ailleurs.
Etre des veilleurs et des éveilleurs. Voilà notre mission en ces temps où Noël se profile déjà à l’horizon
Frère Max de Wasseige