Le nom de cette fête n’est pas sans ambiguïté pour nous républicains !
Cette fête du Christ Roi a été promulguée en 1925 pour affirmer la Royauté du Christ sur les nations à une époque où l’Église avait du mal à se situer dans la société. Et au moment du Concile Vatican II on l’a rebaptisée : la fête du Christ Roi de l’univers.
Qu’est-ce que ce titre peut bien vouloir dire pour nous aujourd’hui ?
Il faut bien le reconnaître dans « l’Ancien Testament » (qu’il vaudrait mieux appeler « La Première Alliance), il y a toujours eu, depuis le roi David, la nostalgie et l’espérance d’un roi qui serait juste et bon pour tous, les petits comme les grands ; l’attente d’un Messie envoyé de Dieu pour guider son peuple. Les prophètes le rappelleront souvent aux rois qui ont tendance à oublier leur mission.
Alors quel genre de roi pourrait- être Jésus ? On sait par les Évangiles, qu’il a toujours pris de la distance quand les foules, à la suite de miracles, ont voulu le faire roi. On voit aussi que dès le début de sa mission, Jésus se veut proche des petits et des pauvres ; il veut les libérer de leurs souffrances et de leur misère. Il se montre aussi libre par rapport au pouvoir politique et religieux. Il les dénonce comme autrefois les prophètes, comme ceux qui enferment souvent les personnes au lieu de leur ouvrir un chemin de libération.
Il se révèle de plus en plus comme Celui qui est le Serviteur, comme Celui qui lave les pieds de ses disciples, comme Celui « qui est venu pour servir et non être servi », comme Celui qui ouvre un chemin de vie : « Oui mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11, 30). Finalement rejeté par le pouvoir politique et religieux, il ira jusqu’à donner sa vie pour ceux qu’il aime.Il n’usera pas de sa puissance pour se sauver lui-même. Il n’usera pas de violence pour se défendre mais choisira le chemin de la confiance à Dieu son Père : « Père je remets ma vie entre tes mains ».
En saint Luc il y a ce témoignage ultime qui a valeur de testament : à la prière du brigand qui l’implore avec confiance : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume. » Il répond : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis… » Le Royaume de Jésus Christ c’est déjà aujourd’hui là où se vit l’amour et la miséricorde, jusqu’au plus profond de la pauvreté humaine.
Et saint Paul dans l’épître aux Colossiens, reprenant un hymne ancien de la communauté, élargira son regard théologique : « Le Père nous a arraché au pouvoir des ténèbres et nous a transféré dans le « Royaume de son Fils bien-aimé »… Le monde entier est créé (les êtres humains en particulier et la création tout entière) dans l’amour du Père pour son Fils : « Tout est créé par Lui et pour Lui, tout est maintenu en Lui… ».
Par le don de sa vie dans l’amour de son Père et dans l’amour des êtres humains il est « le premier né » d’un création nouvelle, totalement réconciliée avec le Père…
« Il est Lui, la tête du corps qui est l’Église ». C’est lui qui rassemble, qui porte en lui, l’humanité rassemblée, réconciliée. C’est Lui qui nous fait entrer déjà dans le Royaume de Dieu qui est le Royaume de l’amour partagé : l’amour donné et reçu qui porte du fruit, qui porte la vie. C’est lui qui nous ouvre ce chemin qu’il nous faut encore parcourir.
Oui laissons-nous guider par Celui qui nous libère peu à peu et nous aide à marcher ensemble à la rencontre de Celui qui nous aime comme un Père et une Mère, à la suite de Celui qui est devenu notre frère en humanité.
Frère José Kohler