L’Église célèbre aujourd’hui la fête du St Sacrement du Corps et du Sang de notre Seigneur Jésus Christ. Cette fête commémore l’institution du sacrement de l’Eucharistie par Jésus au cour de la Cène. Mais les lectures de ce jour montrent que ce que nous faisons, en célébrant et en vénérant le corps et le sang du Seigneur, nous le recevons d’une longue tradition.
C’est déjà dans le livre de la Genèse que Melkisédec et Abraham font une offrande de pain et de vin en action de grâce à Dieu pour la victoire d’Abraham sur ses ennemis ! C’est là une préfiguration de l’Eucharistie. Et c’est Saint Paul, comme les évangélistes, qui dit aux Corinthiens : « je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition qui vient du Seigneur : Jésus prit le pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples en disant : ceci est mon corps et prenant la coupe, ceci est mon sang. Faites cela en mémoire de moi. ». C’est la célébration du Dieu d’Amour qui se révèle, en donnant son corps et son sang, en se donnant à nous et en nous invitant aussi à nous donner aux autres… Mais pour pouvoir transmettre quelque chose, il nous faut non seulement le savoir intellectuellement mais aussi le vivre existentiellement. La transmission ne peut pas se faire uniquement par la Parole, par l’enseignement, même si cela demeure utile ; la transmission se fait d’une certaine manière par « contamination », par l’exemple vécu qui vient attester de la vérité de la parole dite.
Aujourd’hui en fêtant le Corps et le Sang du Christ, nous sommes, chacun, chacune interrogés sur notre relation à l’Eucharistie, sa place dans notre vie. La tradition ancienne de l’Église parle des deux tables de l’Eucharistie : la table de la Parole, et la table du Pain eucharistique. C’est à ces deux tables qu’il faut nous nourrir.
Pour mieux parler de cela je cite Ste Thérèse-Bénédicte de la Croix, Edith Stein, pour la Table de la Parole : « Parcourons avec le Verbe de Dieu le chemin de sa vie terrestre tout au long d’une nouvelle année. Chaque secret de cette vie, que nous essayons de scruter dans une contemplation aimante est source de vie éternelle »… Et pour la table du pain eucharistique elle poursuit : « le même Sauveur que la Parole de l’Ecriture nous met sous les yeux dans son humanité, habite aussi parmi nous, caché sous l’apparence du pain eucharistique. Dans ces deux aspects, Parole et Pain, Jésus se fait proche et désire que nous le cherchions et que nous le trouvions. » Quelle est notre relation personnelle, intime avec le Seigneur Jésus ? Nous aurons peut-être la joie d’expérimenter que les deux tables s’appellent l’une l’autre. Lorsque nous voyons avec les yeux de la foi le Sauveur devant nous comme l’Ecriture nous le dépeint, alors peut grandir notre désir de l’accueillir en nous dans le Pain de Vie qui saisira toutes les dimensions de notre être… Et à son tour le Pain Eucharistique peut aviver notre désir de connaître plus profondément le Seigneur.
Pour répondre à cet appel à approfondir le sens de l’Eucharistie, nous avons aujourd’hui l’épisode de la multiplication des pains, où l’on retrouve les deux tables : « Jésus parlait du Règne de Dieu à la foule ». C’est Jésus qui enseigne par sa Parole la foule. Puis, quand voyant le jour baisser, sachant d’avance ce qu’il allait faire et demandant à ses disciples de nourrir eux-mêmes la foule avec 5 pains et 3 poissons « Jésus prit les pains, il les bénit, les rompit et les donna pour que les disciples les distribuent » Jésus rend grâce, c’est à dire fait eucharistie. Être nourri à la fois de la Parole de Dieu et du Pain eucharistique n’est pas une obligation extérieure et morale, mais bien une nécessité intérieure et vitale pour avoir la vie éternelle. L’eucharistie est nécessaire à la vie chrétienne car elle nous fait advenir à ce à quoi le baptême nous a fait naître: devenir fils et fille de Dieu. Il nous faut faire en nous place à l’eucharistie, à l’action de grâce.
Le sacrifice éternellement actuel du Christ sur la Croix au cours de la messe peut se comprendre comme une seule immense action de grâce pour la Création, la Rédemption et l’Achèvement final. Faisons de l’eucharistie le lieu où comme les disciples nous offrons nos cinq pains et nos deux poissons, c’est à dire « le petit peu qui dépend de nous ». Car, finalement nous sommes invités à nous offrir tels que nous sommes avec nos intentions, nos ombres et nos lumières, nos richesses et nos limites, avec nos peurs et nos besoins. C’est encore Edith Stein qui dit : « La seule chose que l’on puisse faire, c’est de vivre de plus en plus fidèlement et de façon la plus pure notre vie pour la présenter comme une offrande agréable en faveur de tous ceux avec qui nous avons des liens. C’est en apportant ce que nous avons qu’en retour le Seigneur bénit. Et revigoré par le Christ, pain rompu pour les hommes nous sommes alors invités à devenir par nos vies, pain rompu pour les autres et pour la vie du monde.
Alors que cette fête du Corps et du Sang du Christ nous dynamise dans notre vie chrétienne ; qu’elle nous fasse être toujours plus que ce que nous sommes : le Corps du Christ.
Gérard Barthe, diacre
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