Servir Dieu, nous servir du monde.
On s’attendrait à trouver dans l’Evangile des exemples plus édifiants qu’une affaire d’escroquerie. Mais c’est dans l’actualité de son temps que Jésus trouvait des éléments de ses paraboles : un fils qui revient à la maison, un blessé laissé à demi-mort sur la route par des truands.
Aujourd’hui, Jésus voit autour de Lui des gens qui ont surinvesti l’argent, qui se sont mis à l’aimer, à lui faire confiance pour finir par l’idolâtrer comme ils le feraient pour un dieu. Alors cela inspire Jésus qui nous donne la parabole de ce gérant « dit malhonnête » : il s’est d’abord servi sur les biens de » son maître puis, ayant été démasqué et relevé de ses fonctions, il adopte une générosité stratégique consistant à abaisser les dettes des débiteurs de son maître pour acheter la bienveillance d’autrui quand il sera à la rue. et bien Jésus fait l’éloge de ce gérant voyou parce qu’il a su, dans sa malhonnêteté garder suffisamment de bon sens pour réfléchir et trouver vite et avec ingéniosité et énergie, une solution pour ne pas sombrer dans la misère.
Cela fait dire à Jésus: vraiment, « Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de lumière. » Jésus nous prévient, de façon urgente, de bien distinguer pour notre bonheur éternel ce qu’est notre Bien Véritable et ce qui est trompeur, comme ici l’argent.
Mais de quel argent Jésus parle-t-il ? Il ne parle pas ici de l’argent dans sa forme courante qui est neutre. Il parle de l’argent idolâtré. Cet argent pour lequel certains sont prêts à tout sacrifier : leur santé, leur famille, leurs relations et au final leur propre humanité. Quand ce n’est pas aussi pour acheter le faible ou le malheureux pour une paire de sandales. Ce dieu argent insatiable engendre des cœurs durs, égoïstes, qui ferme le cœur devant les besoins d’autrui. Mais cet argent n’est pas fiable parce qu’il peut nous être enlevé. Il nous laisse tomber au moment où nous en aurions le plus grand besoin, à l’heure de notre mort car nous ne pouvons rien donner en échange de notre vie. Pareillement la santé, la force, la beauté, l’autorité morale ou sociale, et même l’intelligence peuvent être aussi des biens qui peuvent nous être enlevés et dont, de toute façon, le temps nous prive petit à petit.
Alors à quel bien véritable se fier ? On sait que le mot vérité, dans l’Écriture, est pratiquement synonyme de solidité et de fidélité.
Seul Dieu est ce Quelqu’un en qui on peut se fier. Car Dieu est celui qui nous fait être, qui nous fonde. Et cela définitivement car nous dit St Jacques « Il ne connaît ni changement ni ombre de variation ». Il est notre source immuable, jaillissante de vie au plus profond de notre être. Personne ne peut nous arracher à Lui si nous mettons notre confiance en Lui ?
Mais voilà, il nous faut choisir « Nous ne pouvons pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Est-ce à dire que nous devons couper toutes relations avec ce qui n’est pas « Dieu Eternel » pour ne nous occuper que de Lui ?
Jésus nous invite au contraire à nous montrer « fidèles », « digne de confiance » dans notre gestion de ces biens de ce monde. « Qui est fidèle pour une chose minime est fidèle aussi pour une grande ». Notre usage de l’argent constitue un test de la confiance que Dieu peut nous accorder. Cela signifie nous servir de l’argent et non le servir. Et nous en servir pour quoi ? Jésus nous exhorte de nous servir de la richesse pour nous faire des amis, pour créer des liens d’amitié, pour mettre dans ce monde de la justice et de l’amour, de cet amour qui est présence de Dieu lui-même. Car les amis qui obtiendront notre salut sont aussi les amis de Dieu: les pauvres les opprimés, les exploités les malades, les premiers à rentrer dans le Royaume de Dieu. A travers eux, nous touchons Jésus lui-même. « Tout ce que vous aurez fait à l’un de ces petits c’est à moi que vous l’avez fait ».
Oui il nous faut dépenser et nous « dépenser » raisonnablement pour tisser des relations qui soient des relations d’amour. « Parce que la charité ne passera pas » dit St Paul aux Corinthiens. Elle traverse la mort. Et elle nous permet d’être accueillis dans les « demeures éternelles » par ceux à qui nous aurons fait du bien avec nos surplus de richesse.
Il ne faut donc pas trop vite dénigrer l’argent et les efforts faits pour en acquérir. Il représente en effet une tranche de la vie humaine, il représente le temps, le travail qu’il a fallu pour le gagner. C’est en outre un instrument indispensable aux relations entre les hommes. L’argent doit pouvoir nous aider à vivre dignement. C’est un grand malheur que certain ne le puisse pas.
Mais le problème se pose lorsque les biens matériels cessent d’être un moyen, pour devenir le but de notre vie. Alors il ne suffit plus de poser seulement la question : « que fais-tu de ton argent ? » mais bien plus : « qu’est-ce que l’argent fait de toi ? »
Prions Jésus et Marie pour qu’ils nous aident à voir clair en nous !
Gérard Barthe, diacre