« VENEZ A L’ÉCART ET REPOSEZ-VOUS UN PEU »
On a l’impression d’une certaine pagaille au bord du lac ! Les disciples reviennent deux par deux de leur première mission, des étoiles plein les yeux. Dieu sait s’ils avaient peur avant de partir. Tout était si neuf pour eux. Comment pouvait-on se risquer à la rencontre sans argent, sans provisions, sans savoir à l’avance où l’on passerait la nuit ? Ils avaient peur de ne pas être accueillis, peur de manquer, peur de ne pas être à la hauteur de la mission confiée…
Et les voilà qui reviennent tout joyeux, heureux de raconter à Jésus les merveilles dont ils ont été les témoins en chemin.
Jésus se réjouit profondément pour eux, avec eux. Mais il ressent leur fatigue. Il connait aussi le risque que le succès fait courir : s’approprier la mission, s’enorgueillir, oublier que nous sommes de simples instruments de la grâce divine.
Alors, il a cette invitation douce et ferme : « Venez à l’écart et reposez-vous un peu. » Jésus continue à préparer ses disciples à la mission. Le retrait dans la prière fait partie intégrale de la mission. Lui-même se retire chaque matin avant l’aube dans un lieu désert afin de cultiver de longs cœur à cœur avec le Père. Tout s’enracine là. Sinon, nous risquons de n’annoncer que nous-mêmes.
Au cœur de cet été, laissons résonner cet appel de Jésus : « Venez à l’écart et reposez-vous un peu. » Comment allons-nous le vivre ? Quels temps de gratuité allons-nous nous offrir ? Ces temps sans but précis, sans rien d’autre à faire que de nous rentre présent à Celui qui nous attend au plus profond de nous-même. J’ai fait cette belle expérience durant mon année sabbatique qui vient de s’achever. M’arrêter sans autre but que de me mettre à l’écoute de cette petite voix de Dieu en moi, me laisser conduire sur des chemins non balisés à l’avance… Que de grâces reçues, inattendues. Dieu sait ce dont nous avons besoin.
« Venez à l’écart et reposez-vous un peu. » Mais voici le projet de Jésus contrecarré. Les voyant partir, la foule contourne le lac en courant afin de les attendre de l’autre côté. Elle a faim, elle a soif. Elle veut voir, entendre, toucher Jésus.
On pourrait imaginer Jésus agacé, en colère même. Lui aussi a besoin de repos, de calme avec ses disciples. Mais il est pris aux entrailles par cette foule déboussolée, perdue, comme des brebis sans berger. Jésus agit avec la foule comme le bon berger annoncé par les prophètes. Il connait chacune de ses brebis par son nom ; il n’hésite pas à laisser le troupeau pour aller chercher la brebis perdue et la ramener sur ses épaules au bercail ; il les mène avec autorité et douceur, les protégeant des loups qui guettent le moment favorable pour les dévorer et qui se déguisent en bergers pour mieux les manipuler et exercer sur elles leur emprise.
Aujourd’hui, il ne manque pas d’hommes et de femmes qui souhaitent devenir bergers de leur peuple. Ils sont prêts à tout pour cela. Ils donnent le triste spectacle de loups qui se déchirent et se dévorent entre eux, incapables de voir et d’entendre la détresse des brebis livrées à elles-mêmes, abandonnées.
La parole du prophète Isaïe est d’une incroyable actualité : « Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage. Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. » Mais derrière ce triste constat, il y a une parole d’espérance : « Voici venir des jours où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »
Seigneur Jésus, toi le bon berger,
Vois la souffrance de tes brebis,
lasses face aux jeux de pouvoir,
aux injustices, aux promesses non tenues…
Nous te confions aussi ce matin
les faiblesses des pasteurs de ton Église,
les fidèles qu’ils laissent blessés, meurtris, révoltés.
Aide-nous à devenir de bons bergers les uns pour les autres,
attentifs à notre bonne santé physique, affective et spirituelle.
Viens au secours de notre faiblesse,
que nous trouvions en toi notre repos. AMEN.
Frère Nicolas Morin
