Que la sœur la mort soit la bienvenue
L’année prochaine nous célébrerons les 800 ans du Transitus, le passage de Saint François vers l’autre rive.
Quand le médecin annonça à François son mal incurable, tout joyeux il prononça ces mots qui en disent long sur son attente de retrouver son Seigneur : « Ma sœur la mort sois la bienvenue ». Il voulut célébrer et même théâtraliser sa mort. François « se fit étendre nu sur la terre nue… demanda du pain le bénit, le rompit et en donna à ses frères. Puis il se fit apporter l’Evangéliaire et lut le passage de la dernière Cène »
François avait une telle joie de rencontrer son Seigneur que le frère Elie était édifié mais en même temps affolé : « Que vont penser les gens ? Comment peut-il montrer une si grande joie alors qu’il va trépasser ? Ne faudrait-il penser à la mort, joindre les mains et prendre un air pieux ? » (L P 64)
Le Pape François, à partir de la mort de Saint François, nous invite à désarmer en nous la peur de la mort et à l’accueillir comme une sœur. Et cela se prépare tout au long d’une vie. Bien sûr que le 2 Novembre c’est la commémoration de tous les défunts, nos parents, nos enfants, nos amis et tous ceux qui sont partis avant nous et à qui nous devons tant. Mais dans une société, qui a tendance à évacuer la mort, il est bon de se préparer, comme Saint François, à la rencontre finale.
La mort restera toujours un mystère que l’on a tendance à occulter. Et souvent aussi une douloureuse épreuve pour nos vies humaines nous confrontant à la séparation avec nos êtres chers et aussi avec notre propre finitude. Mais on croit que la mort et une absence définitive alors qu’elle est une présence secrète.
On croit qu’elle crée une infinie distance alors qu’elle supprime toute distance. Que de liens elle renoue, que de barrières elle brise. Que de brouillard elle dissipe. Avec nos chers disparus le ciel nous devient plus familier. C’est la maison de famille en son étage supérieur. Saint Jean ne dit-il pas aujourd’hui : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures »
Avec les morts nous gagnons à rester toute ouïe : ils ont beaucoup à nous dire. Étant passés par la grande épreuve, ils sont en quelque sorte des initiés. Ils peuvent veiller sur nous comme autant d’anges gardiens.
A condition que nous ne soyons pas ingrats pour les ranger aux oubliettes ; car ils peuvent à leur manière nous protéger et nous garder vivant. Zundel dira : « La vraie question, c’est d’être un vivant avant la mort… Si nous sommes vivants, la mort n’est qu’un passage » C’est bien l’expérience qu’a fait Saint François !
J’ai été fort frappé en lisant le journal d’Etty Hillesum par la profondeur et le réalisme face à sa mort qu’elle sait horrible dans les camps de concentration. « On se prépare à notre extermination, c’est clair, ne nous faisons pas d’illusion ». Mais Etty a fait, dans la souffrance, une forte expérience de Dieu. Elle dira « Je me sens comme un oisillon niché dans une grande main protectrice » Laissez-moi vous lire ce passage si bouleversant : « J’ai réglé les comptes avec la vie, je veux dire : l’éventualité de la mort intégrée à ma vie ; regarder la mort en face et l’accepter comme partie intégrante de la vie, c’est élargir la vie…en excluant la mort de sa vie on se prive d’une vie complète, et en l’y accueillant on élargit et on enrichit sa vie… La mort est là tout d’un coup, grande et simple et naturelle, entrée dans ma vie sans un bruit. Elle y a désormais sa place et je la sais indissociable de la vie ». Etty a 28 ans. Qu’elle maturité !
Ceci rejoint le Testament de Christiane Singer :
« Je viens seulement vous apporter cette bonne nouvelle : de l’autre côté du pire vous attend l’Amour…Alors amis, entendez ces mots que je vous dis là comme un grand appel à être vivants, à être dans la joie et à aimer immodérément »
Frère Max de Wasseige