Cana
Il n’est sans doute pas innocent que le quatrième évangile ouvre le ministère des miracles du Christ par le signe inaugural de Cana. Car si les miracles à venir sont majoritairement de miracles de guérison, cette première manifestation à Cana est un miracle de saveur, de goût, de désir, d’élan. Ce récit, comme la plupart des textes de Jean, est tellement construit qu’il vaut mieux renoncer à savoir ce qui s’est réellement passé. Jean, à partir d’un récit authentique transfigure l’histoire et lui donne une densité et une profondeur que nul autre évangéliste n’a pu atteindre. Jean, qui a mis sa tête sur le cœur de Jésus, nous fait déjà rentrer dans le mystère de Jésus et la folie de la croix.
Le ministère de Jésus commence par un repas de mariage. C’est une répétition générale du dernier repas qui scellera les noces entre Dieu et l’humanité pardonnée. Jésus aime les mariages parce qu’ils parlent de son affection pour nous et de sa vie donnée jusqu’à la dernière goutte de sang ! Car le vrai maître du festin et le véritable Epoux, ignoré des convives, est Jésus lui-même.
Mais reprenons le récit. Jean n’a pas oublié le lieu. A Cana de Galilée, au nord de Nazareth. Car c’est le premier signe que Jésus accomplit. Et c’est là que Jésus manifesta sa gloire. Et il ajoutera cette petite phrase importante « et ses disciples crurent en lui ». Car avant ce signe il y a eu l’appel des disciples. Il fallait un signe fort pour que ces hommes simples deviennent disciples et mettent leurs pas dans ceux du Maître.
Ce jour-là, catastrophe le vin manque ! La fête est compromise. Marie le remarque et dit à Jésus : « Ils n’ont pas de vin » La réponse de Jésus étonne. Elle ne paraît guère filiale. On a l’impression que Jésus répond brutalement à sa mère : « Mêle toi de ce qui te regarde ». Mais la réaction de Jésus dans le texte de Jean, reprend une formule difficile à traduire en français et qui souligne le malentendu entre deux personnes qui ne sont pas sur la même longueur d’onde. Jésus parle de son heure et Marie ne peut pas comprendre. Car Jésus parle de sa mort, l’heure de la croix, c’est l’heure où un autre vin sera versé. Mais ce qui est remarquable c’est que Marie, au-delà de l’inattendu de la réponse, dira aux servants : « Faites tout ce qu’il vous dira »
Avec l’épisode du mariage à Cana et l’eau changé en vin Saint Jean choisit de mettre en lumière un commencement qui a le goût d’un accomplissement. Et ce commencement de la vie publique de Jésus pointe déjà vers son terme : l’offrande de son corps livré, de son sang versé par amour. Ainsi cette transformation prend le goût du vin le plus raffiné offert en surabondance. (6 jarres de 100 litres ; le maître du repas reprochera au marié d’avoir gardé le bon vin pour la fin du repas).
Et ce premier signe est donc un miracle de saveur, de goût, de désir et de fête. Dieu nous connaît, il sait que le désir humain a partie liée à la saveur des choses, des relations, des événements. Et s’il nous envoie son Fils ce n’est pas seulement pour parler de valeurs, mais aussi de saveurs et d’éveiller en nous une soif encore plus intense, cette soif que seul, le vin qu’il nous offrira le soir de la Cène pourra apaiser.
Oui, Jésus fera d’autres miracles dont les enjeux nous paraîtront plus immédiats, plus concrets. Il ramènera à la vie, à la vue, à la marche, à l’ouïe et à la parole. Mais ici c’est le miracle qui résume toute la vie donnée de Jésus, une vie qui, par son amour, ouvre nos propres vies à la Vie en plénitude.
O Jésus, donne-moi de goûter le vin nouveau !
Frère Max de Wasseige