Homélie du dimanche 16 juin 2024, 11ème dimanche du temps ordinaire – année B, de Gérard Barthe, diacre

Comme tout bon conteur populaire, Jésus sait admirablement utiliser ce qu’il observe dans la nature et dans les faits divers pour capter l’attention de ses auditeurs. Ses paraboles manifestent une étonnante complicité naturelle avec la création et surtout avec le monde des hommes. Le moindre geste humain, un enfant, un arbre, une graine, tout le renvoie à ce Dieu qui l’habite et qu’il révèle. Ses paraboles jaillissent toujours du spectacle de la vie quotidienne de l’homme en l’invitant à regarder autrement. Il ne raconte pas pour distraire : son unique préoccupation est de révéler le « Mystère du Royaume de Dieu ». Car toutes les paraboles ne parlent de rien d’autre ! En ce sens, les paraboles de Jésus sont « une école du regard ». Elles nous apprennent à contempler la face cachée de la vie quotidienne avec les yeux de la foi. A l’école des paraboles, le moindre fait divers devient dévoilement de la Réalité invisible. Tout prend de la densité, de l’épaisseur ou de la profondeur. Et la bonne nouvelle encourageante pour nous, c’est que Jésus veut nous révéler avec cela comment le Royaume de Dieu est déjà commencé et comment il est en croissance.

Mais à vues humaines et surtout en ces temps troublés, nous pourrions douter de cette présence du Règne de Dieu. Il se heurte à tant d’obstacles ! Car nous vivons dans un monde où tout s’évalue en termes de productivité et de rentabilité. Au travail on est jugé essentiellement d’après son rendement ; on cherche constamment à accélérer les cadences, on exige des fruits immédiats : on veut tout, tout de suite. Autant d’attitudes qui révèlent un mal profond : la volonté de tout maîtriser. L’homme d’aujourd’hui se considère comme source et centre de sa vie alors qu’il n’est que créature et donc être dépendant. Or voici qu’aujourd’hui dans l’Evangile, Jésus nous indique que le Royaume de Dieu n’est pas le produit d’une technique, ni le fruit d’une performance humaine « il en est du Règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champs : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il soit debout, la semence germe et grandit, il ne sait comment ».

Ce qui dépend de l’homme, c’est de préparer le terrain, de le rendre accueillant à la semence, puis de jeter le grain en terre. Mais l’essentiel lui échappe. « D’elle-même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi ». C’est Dieu qui agit, c’est lui seul qui est maître de la vie. C’est lui seul aussi qui est maître des étapes de croissance et du temps pour arriver à la moisson. Une expression orientale dit : « Ne pousse pas la rivière, elle coule toute seule » ! L’homme une fois qu’il a pleinement accompli ce qui lui est demandé ne peut rien faire d’autre que de se mettre dans une attitude de réceptivité, de disponibilité et laisser Dieu agir. Mais c’est précisément ce qui nous coûte le plus : accepter de recevoir, accepter de se faire guider, de se laisser faire, autrement dit reconnaître que nous ne sommes pas Dieu. Ce qui est attendu de nous c’est ce que St Paul appelle l’obéissance de la foi c’est à dire vis à vis de Dieu, une attitude faite de confiance, d’assurance tranquille, d’abandon paisible, d’espérance. C’est par excellence l’attitude filiale qui caractérise Jésus lors de sa mort sur la croix : « Père, entre tes mains je remets mon Esprit » ; c’est aussi ce qui caractérise la Vierge Marie « Qu’il me soit fait selon ta Parole ». Cette obéissance de la foi, il faut qu’à l’exemple de Jésus et Marie, elle s’inscrive très concrètement dans tous les actes de la vie quotidienne  : « Mets ta confiance en Dieu comme si tout dépendait de Lui et livre toi à l’action comme si tout dépendait de toi » dit St Ignace de Loyola. Il nous faut accepter de n’être que de simples semeurs : semeurs d’idées, semeurs d’espérance, semeurs d’actions et pour les résultats, laisser faire Dieu en lui disant chaque jour: « Que ton règne vienne ! » Il prendra toujours les choses en main.

Et cela nous amène à la 2ème parabole qui oppose le commencement et la fin : au début la graine est la plus petite de toutes les semences ; quand on l’a semée et qu’elle a grandi elle est devenue la plus grande des plantes potagères où viennent se réfugier et nicher tous les oiseaux du ciel qui représentent symboliquement ici toutes les nations de la terre. La vie, pour grandir, se contente d’infiniment peu. Tout ce qui aspire à grandir n’exige pas de grands moyens. Avec Jésus la petitesse des commencements ne fait pas désespérer du résultat final ? On le sait bien : parfois tout commence par une parole, un sourire, une visite, une attention… et toute une aventure se poursuit. Cette parabole était pour Jésus une manière de répondre au scandale que son attitude constituait aux yeux des juifs. Ceux-ci attendaient un messie dont l’intervention serait spectaculaire et triomphale. Ce messie de leurs rêves, ils ne le reconnaissaient pas dans ce Jésus de Nazareth qui ne bousculait rien et paraissait plutôt bien faible et très ordinaire. Si ce règne de Dieu s’instaure de manière si paradoxale, c’est pour que la puissance de Dieu se manifeste clairement dans le triomphe de la faiblesse. C’est la merveilleuse déclaration de St Paul aux Corinthiens : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ». Désormais quiconque a semé un germe dans une âme, quiconque essaie de semer la Bonne Nouvelle comme les parents et les catéchistes, quiconque s’est engagé au service d’une œuvre pour aider ses frères, et qui trop souvent ne peut que constater la petitesse des résultats apparents, celui-là peut s’appuyer fermement sur cette parabole pour surmonter ses découragements.

Gérard Barthe, diacre

Connexion