HEUREUX, VOUS LES PAUVRES (LUC 6)
Je voudrais vous parler de Paulette. Paulette est une vieille dame qui se laisse dépérir dans son EHPAD. Elle meurt de solitude bien plus que de ses maux physiques. Un matin, Samia, son aide-soignante, vient lui annoncer : Paulette, j’ai une bonne nouvelle pour vous : votre fils, celui qui vit en Allemagne, arrive aujourd’hui et il va rester plusieurs jours avec vous.
Paulette semble avoir rajeuni de dix ans. Elle se lève, demande à Samia de l’aider à mettre sa plus belle robe et à se préparer pour accueillir son fils. Elle ne sera pas seule aujourd’hui. Ses yeux brillent d’un grand bonheur.
Pourquoi vous raconter l’histoire de Paulette ? Parce qu’il me semble que c’est de ce bonheur-là dont parle Jésus. « Heureux, vous, les pauvres, le Royaume de Dieu est à vous. »
Lorsqu’il descend de la montagne avec ses disciples, Jésus est entouré d’une foule hétéroclite qui vient de partout : il y a des pauvres écrasés par les impôts, les mères qui pleurent un enfant disparu, des croyants persécutés…
Jésus est là, présent au milieu d’eux. Il fait corps avec ce peuple de pauvres, d’humiliés. Il est l’un d’eux.
Par sa présence autant que pas ses mots, il leur dit : « Désormais, vous ne serez plus jamais seuls. Je suis le visage de tendresse et de compassion de Dieu parmi vous. Vous êtes infiniment précieux à ses yeux. »
Jésus vient réaliser la promesse de Dieu, sans cesse réitérée : « Je serai avec vous. »
Jésus ne nous promet pas une vie sans difficultés. Il nous promet le bonheur que lui, Jésus, connait et vit de l’intérieur. Le bonheur de Jésus, c’est d’être relié, uni à son Père dans une relation d’amour que personne ne pourra jamais rompre, même pas la croix.
« Heureux, vous les pauvres, le Royaume de Dieu est à vous », Royaume de justice et de paix, Royaume où le petit, le rejeté, l’impur prend la première place au banquet, Royaume où le Père attend les bras grands ouverts son enfant égaré.
Heureux, vous, les pauvres, levez-vous et redressez la tête, car Dieu lui-même marche à vos côtés et vous rend votre dignité.
Mais comment comprendre les affirmations si dures de Jésus : « Malheureux vous les riches, vous avez votre consolation. Malheureux vous qui êtes repus maintenant, vous aurez faim » ?
Ce ne sont pas des malédictions, encore moins des jugements, mais des lamentations. Jésus fait un constat attristé : la richesse nous replie sur nous-même, entretient la peur de l’autre, occupe la tête et le cœur, au risque de perdre cet espace de gratuité, nécessaire pour nous découvrir aimés et nous risquer à aimer.
PRIER
Seigneur Jésus,
apprends-nous à être heureux, comme toi !
apprends-nous à être libre, comme toi !
apprends-nous à être pauvre, comme toi !
Apprends-nous à poser ce même regard d’amour et de tendresse
sur les pauvres, les humiliés, ceux qui pleurent…
Qu’ils découvrent par nous le bonheur de ta présence.
Frère Nicolas Morin
