Homélie du 29 mai : 7ème dimanche de Pâques – Année C

QUE LEUR UNITÉ SOIT PARFAITE ! Jean 17

Nous sommes le soir du jeudi saint. Dans quelques heures, Jésus sera arrêté. Il le sait et, auparavant, il tient à instruire longuement ses disciples, à leur léguer ce qui est le cœur de sa mission. Un peu comme un père réunit ses enfants une dernière fois autour de son lit avant de mourir. Jésus clôt son long discours par une prière adressée à son Père. Comme si le cœur de sa mission était là : nous plonger dans la relation unique, vitale, de Jésus avec le Père.

Deux mots reviennent dans cesse dans sa prière : unité et amour. Deux mots qui s’appellent l’un l’autre, qui découlent l’un de l’autre. Pas d’unité sans amour. Ou alors ce n’est plus de l’unité mais de l’uniformité : on ne doit voir qu’une seule tête. L’unité n’est pas non plus fondée sur l’intérêt commun des membres d’un groupe, ou bien sur un objectif à réaliser.

Quelle est donc cette unité que Jésus appelle ardemment de ses vœux ?

« Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi. »

Le mot le plus important, là encore, dans cette phrase, c’est le « comme » : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. » L’unité que Jésus appelle de ses vœux pour chacun de nous, c’est celle dont il a l’expérience profonde, l’unité du Père et du Fils. Jésus nous invite rien de moins qu’à nous plonger dans l’intimité de sa relation avec le Père. Jésus veut pour nous le meilleur. Et le meilleur, c’est sa vie même, la vie qu’il reçoit à tout instant du Père et qu’il partage, sans rien garder de lui-même. Oui, Jésus nous invite à une plongée dans la vie trinitaire, qui n’est que relation d’amour.

Vous voyez que Jésus place la barre très haut. Parce qu’il nous croit capables de Dieu. Il veut nous introduire à une nouvelle manière d’être en relation les uns avec les autres, et avec Dieu. Toutes nos relations trouvent leur origine et leur profondeur dans l’amour qui est en Dieu, dans cette relation qui unit le Père au Fils dans l’Esprit Saint.

L’enjeu est de taille : « Qu’ils soient un en nous eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » Et plus loin : « Que leur unité soit parfaite ; ainsi le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » La crédibilité même de Dieu est entre nos mains. Comment ceux qui nous entourent pourraient-ils croire en un Dieu d’amour si nous ne vivons pas un minimum de cet amour ? Imaginez la crédibilité d’un père qui enseignerait à ses enfants de ne pas voler et qui serait lui-même malhonnête dans ses affaires ?

Jésus dit par ailleurs : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. »

Et c’est bien la fraternité des premiers chrétiens qui étonne et attire. Vous connaissez bien la description de la première communauté dans les Actes des Apôtres : « Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens pour en partager le prix entre tous, selon les besoins de chacun. (…) Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier. »

« Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis. » L’unité est à la fois donnée par Dieu et elle est une tâche toujours à recommencer.

Elle est donnée, parce que ce n’est que dans la prière que je peux découvrir la relation unique que Dieu m’offre, sans s’arrêter à mes infidélités, mes incompréhensions, mes tâtonnements. Quelle joie de découvrir que je suis désiré, attendu par Dieu, qu’il m’invite à sa table. Découvrir la joie d’être aimé et d’entrer dans cette dynamique de l’amour.

L’unité est aussi une tâche, parce qu’elle me sort sans cesse de moi-même et de ma propension à m’entourer d’amis qui me ressemblent et me confortent dans mon image pour accueillir l’autre différent et poser sur lui un regard fraternel.

Les chrétiens sont des utopistes parce qu’ils croient et qu’ils mettent tout en œuvre pour que tout homme, quel qu’il soit, ait sa place à la table du banquet.

Nos communautés chrétiennes sont-elles des lieux où nous faisons l’apprentissage de l’accueil dans notre diversité ? Ou bien reproduisons-nous à l’échelon de la communauté chrétienne les mêmes clivages que dans notre vie professionnelle ou sociale ?

L’Église est faite pour ceux qui n’y sont pas. Sommes-nous comme ces serviteurs que le maître du repas envoie aux carrefours de la ville et sur les chemins afin d’inviter tous ceux qui se trouvent-là, mendiants, estropiés, désoeuvrés, curieux ?

Si réellement chaque Eucharistie est le repas de l’amour qui fonde notre unité, notre communion, alors notre joie de nous retrouver et de nous nourrir au même pain devrait être contagieuse et donner envie à d’autre de s’y nourrir. Sommes-nous heureux d’être les invités au repas du Seigneur ?

Que leur unité soit parfaite !

Seigneur Jésus, tu sais combien cela nous est difficile.

C’est pour cela que tu restes parmi nous.

Par l’Eucharistie, tu continues ta prière et tu deviens notre nourriture pour nous faire vivre dans l’amour.

Tu nous donnes ton Esprit pour nous unir tous en toi.

Donne-nous de répondre à ton attente.

Apprends-nous à te rejoindre dans ta prière pour que ton règne d’amour s’établisse dans tous les cœurs et que tous les hommes découvrent qu’ils sont à l’image de Dieu.

Frère Nicolas Morin

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