Jésus et le jeune homme riche
Une personne me disait récemment, en parlant de sa fille : « Elle a tout fait ! Son baptême, sa communion, sa profession de foi… Elle a tout fait ! »
L’homme qui vient voir Jésus, lui aussi a tout fait : il est parfaitement en règle avec les commandements de la Loi de Moïse. Il n’a rien à se reprocher. Il a un passeport pour le ciel !
Et pourtant, quelque chose en lui n’est pas satisfait. Il sent bien que la foi en Dieu n’est pas une assurance vie, ou plutôt une assurance pour le Royaume ! Il a une soif d’absolu qui ne trouve pas de réponse.
Comme cet homme, il y a des moments dans notre vie où nous ressentons cette insatisfaction, ce désir de donner un sens plus vrai, plus profond à notre vie, ce désir d’une vie moins éclatée, plus unifiée.
Nous n’avons souvent pas les mots pour traduire ce sentiment très intime. Cette impression de manque, de vide intérieur, peut d’ailleurs nous faire peur, et nous la balayons bien vite, emportés par de multiples activités.
Et si nous prenions le temps de nous poser un peu, alors que déjà nous sommes emportés dans le tourbillon de cette année scolaire ? Et si nous prenions le temps de nous interroger chacun, chacune : quel est le désir profond qui m’habite ? Qu’est-ce qu’une vie réussie ?
Chrétiens, croyants en Jésus-Christ toujours vivant et à l’œuvre dans nos vies, c’est devant lui, avec lui, que nous prenons ce temps de pause. Notre questionnement se fait alors dialogue, relation qui se tisse peu à peu avec Dieu.
Vous avez remarqué : Jésus ne fait pas la morale à cet homme. Il ne lui dit pas : « Mon pauvre vieux, tu n’y comprends rien. Ta vie ne vaut pas un clou ! Je vais te dire ce qu’il faut faire ! »
Jésus commence par regarder cet homme et se met à l’aimer. Il l’aime tel qu’il est, là où il en est de sa recherche, même si sa démarche est ambiguë et imparfaite. Le regard de Jésus sur nous est toujours un regard d’espérance, un regard qui perçoit en nous ce qu’il y a de plus beau, même si c’est profondément enfoui.
Et si nous prenions le temps de nous laisser simplement regarder par Jésus ? Regarder et aimer. N’est-ce pas ce dont nous avons le plus profondément besoin : nous laisser regarder par Jésus et, dans son regard, nous découvrir aimés, inconditionnellement.
C’est bien parce qu’il aime ce jeune homme que Jésus ose lui proposer de sortir de sa vie superficielle, installée, pour se mettre en chemin, à sa suite. Jésus est exigeant parce qu’il croit en nous, parce qu’il veut pour nous le meilleur. Il ne se satisfait pas de nos petits arrangements, d’une vie sans saveur, sans élan.
L’homme ne répond pas. Un grand silence tombe tout à coup entre Jésus et lui. Il baisse la tête et, lentement, tourne le dos à Jésus. Quel poids doit alors peser sur ses épaules. Il perçoit tout ce qui l’emprisonne, tout ce qui le paralyse. Il croyait posséder des richesses. Il s’aperçoit que ce sont les richesses qui le possèdent.
J’aime à penser que l’histoire n’est pas finie. Parce que Dieu est d’une infinie patience, il ne désespère jamais de nous voir revenir.
Cette rencontre de ce jeune homme avec Jésus m’habite et me poursuit depuis l’âge de quinze ans. En l’écoutant pour la première fois, j’ai été saisi par cette évidence : le jeune homme en quête d’absolu, c’était moi. Et c’était moi que Jésus interpellait : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, suis-moi. »
Je n’ai pas répondu du premier coup. Et j’ai sans doute à y répondre chaque jour, parce que ce que j’ai donné d’une main, je m’empresse de le reprendre avec l’autre main. Mais l’important, ce ne sont pas mes reculs, mes hésitations, c’est le regard de Jésus qui ne cesse de me faire confiance, d’espérer en moi. C’est dans son regard seul que je peux puiser la force de quitter ce qui m’enchaîne, ce qui me cloue au sol, ce qui me paralyse.
Et si Jésus venait faire du neuf dans nos vies ? S’il venait réveiller nos rêves d’une vie pleinement réussie ?
Frère Nicolas Morin
